Dîner avec Yves

Aujourd’hui, Alain Beaudet, président des IRSC, et moi avons dîné avec le Dr Yves Joanette. Yves est le directeur scientifique de l’Institut du vieillissement, l’un des treize instituts des IRSC. En plus d’être directeur scientifique, Yves est aussi professeur à la faculté de médecine de l’Université de Montréal et directeur du laboratoire du centre de recherche de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal.

J’aime bien rencontrer Yves, un optimiste toujours tiré à quatre épingles; je ne l’ai jamais vu sans son nœud papillon. Et il s’exprime aussi bien en français qu’en anglais. Leader chevronné dans le milieu de la recherche du Canada, Yves a néanmoins conservé l’enthousiasme d’un jeune chercheur. Lorsqu’il parle de ses travaux de recherche sur les problèmes de santé liés au vieillissement, il s’anime et ses yeux pétillent.

Quand j’ai passé mon entrevue pour le poste de vice-président des IRSC, Yves siégeait au comité de sélection. Son sourire avenant m’a mis à l’aise dès le début dans cette situation par ailleurs stressante.

Lorsque j’étais encore astronaute, j’ai participé avec Yves à un atelier tenu conjointement par l’Institut du vieillissement et l’Agence spatiale canadienne. Qu’ont en commun le vieillissement et l’espace? Il se produit plusieurs changements physiologiques dans le corps des astronautes au cours de longs vols spatiaux, et ces changements ressemblent à ce qui se produit au cours du vieillissement sur la terre. Par exemple, le cœur se déconditionne, les muscles s’atrophient et les os se déminéralisent à cause de l’apesanteur. Le corps humain a besoin de la contrainte exercée par les forces gravitoinertielles de la vie quotidienne sur la terre pour maintenir l’intégrité du système cardiovasculaire et du système musculosquelettique. Dans l’espace, les astronautes ne sont pas sollicités par ces forces; c’est pourquoi ils doivent faire des exercices aérobiques et de l’entraînement en résistance, deux heures par jour, pour réduire les risques de déconditionnement.

Le déclin des fonctions physiologiques associé au vieillissement est en partie attribuable à une diminution de l’activité. Je suis déterminé à rester actif physiquement lorsque je vieillirai. En fait, les exercices que je faisais lorsque j’étais en orbite et au cours de la période suivant immédiatement mon retour sur terre étaient conçus pour solliciter les muscles antigravité et les os et améliorer la stabilité. J’ai l’intention de continuer à pratiquer ce type d’exercices pendant de nombreuses années.

Toutefois, le sujet de conversation entre Yves, Alain et moi ne portait pas sur l’espace, mais sur la maladie d’Alzheimer. Au Canada, cette maladie touche actuellement 500 000 personnes, mais d’ici une génération, ce chiffre passera à 1,1 million. Cela signifie que cette maladie affecte en quelque sorte la vie de la plupart des Canadiens. Mon grand‑père en était atteint. Il était difficile pour moi et les autres membres de la famille de constater les changements dans son comportement et ses capacités cognitives, à la fin de sa vie. Bien sûr, il est pénible aussi pour les patients de perdre leurs capacités et leur autonomie.

C’est pourquoi le diagnostic, le traitement et la prévention de cette maladie constituent une priorité de recherche de l’Institut du vieillissement des IRSC. L’une des principales initiatives de recherche des IRSC (appelées initiatives phares) est la Stratégie internationale de recherche concertée sur la maladie d’Alzheimer (la maladie d’Alzheimer est un phénomène mondial). L’Institut du vieillissement dirige cette initiative en collaboration avec plusieurs autres instituts.

Lors de notre dîner, j’ai demandé à Yves quels étaient les facteurs de risque pour la maladie d’Alzheimer. Il a répondu que le premier facteur était le vieillissement; cela m’a fait rire. Pourtant, cette réponse n’est pas dépourvue d’intérêt. Plus nous vieillissons, plus le risque augmente. L’incidence de la maladie d’Alzheimer chez les personnes de 65 ans et plus est de 7 %. Toutefois, pour les gens de plus de 85 ans, l’incidence est de 45 % – une augmentation importante.

Cette incidence croissante est atténuée par les nouvelles sur la recherche au sujet des mesures de prévention. Tous les soirs, ma mère fait des casse-tête ou joue aux cartes avec ses amies afin de conserver sa vivacité d’esprit. Cela l’aide réellement. Tout ce que nous pouvons faire pour améliorer notre santé cardiovasculaire et cognitive peut retarder l’apparition des symptômes cliniques de la maladie d’Alzheimer. Il a été démontré que l’apprentissage d’une langue seconde à l’âge adulte était un moyen efficace. Même si un mode de vie sain peut être d’aucune utilité pour empêcher l’apparition de la pathophysiologie de la maladie d’Alzheimer, il peut aider à préserver la fonction pendant une plus longue période de temps.

Yves Joanette est une source d’inspiration, et je suis toujours heureux de le rencontrer. Il parle avec enthousiasme de la recherche en vue de trouver un « marqueur » efficace qui permettrait aux médecins de détecter la maladie d’Alzheimer, dès les premiers stades. En faisant de la recherche, Yves a pour but non seulement de prolonger la vie, mais d’améliorer la qualité de la vie prolongée. Avec le vieillissement de la population canadienne, les travaux d’Yves deviendront de plus en plus essentiels.

Le 21 septembre 2012

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