Tout est relié, et nous faisons partie du tout

J’étais à Nanaimo à la fin de janvier pour participer à la collation des grades hivernale de l’Université de l’Île de Vancouver. Cette université offre divers programmes de certificat, de diplôme, de baccalauréat et de maîtrise sur des campus à Nanaimo, à Powell River, à Cowichan et à Parksville‑Qualicum. Dirigée par le recteur Ralph Nilson, l’Université est renommée pour ses liens culturels, sociaux, économiques et éducationnels étroits avec les communautés qu’elle dessert, y compris les communautés autochtones et internationales. Ralph et son corps professoral peuvent certes compter sur l’engagement communautaire.

Shawn Atleo, le chef national de l’Assemblée des Premières Nations, est le chancelier de l’Université de l’Île de Vancouver. Mes propos à l’intention des diplômés s’inspiraient d’un échange que j’avais eu avec M. Atleo l’année précédente. Voici le texte de mon allocution. Je l’avais intitulée « Tout est relié, et nous faisons partie du tout ».

Bob


Bon après‑midi!

Félicitations à nos diplômés. Je sais que vous avez eu un rythme de vie effréné au cours des derniers mois avant l’obtention de votre diplôme. Vous avez beaucoup étudié et vous avez réussi.

Il y a quelques mois, j’ai eu une conversation intéressante avec le chancelier Shawn Atleo. Celui‑ci m’a fait connaître une expression : « Hishuk – ish – tsawalk ». C’est du Nuu-chah-nulth et cela veut dire « Tout est relié, et nous faisons partie du tout ».

L’expression exprime le sentiment que l’univers est un tout intégré et ordonné. Tout ce qui vit – les humains, les plantes et les animaux – fait partie de ce tout.

Elle a trouvé un écho en moi. Ma conversation avec votre chancelier m’a fait réfléchir à mes deux vols dans l’espace. Mes missions à bord de la navette spatiale et de la Station spatiale internationale m’ont procuré de précieuses leçons de vie. Permettez‑moi de vous parler de deux de ces leçons cet après‑midi.

La première leçon de l’espace est d’apprécier la vue d’ensemble. Quand nous ne travaillions pas, l’activité préférée de notre équipage était de contempler la Terre par les hublots du vaisseau spatial. Notre planète vue d’en haut est magnifiquement belle. Les déserts apparaissent sous des centaines de couleurs et de textures. Une tempête de tonnerre est un spectacle de lumière hypnotisant. Les chaînes de montagnes, les volcans en éruption et les barrières de récifs témoignent de la puissance de la nature.

À mesure que passait le temps en orbite, mes yeux devenaient entraînés à discerner les fins détails du paysage planétaire plus bas. À la limite de mon acuité visuelle, j’arrivais même à discerner les constructions de l’homme, comme les ponts et les aéroports. Par contre, j’ai eu de la peine quand j’ai vu pour la première fois les dommages infligés à l’environnement par l’activité humaine. Par exemple :

  • La Chine est perpétuellement recouverte par une couche de smog brun.
  • Les navires vidangent leurs eaux de fond de cale dans l’océan, laissant une sale tache d’huile dans leur sillage.
  • La terre arable disparaît des flancs de collines à Madagascar à cause de l’érosion, faisant suffoquer les vallées riveraines en contrebas; cette terre est perdue à tout jamais lorsque la rivière débouche sur l’océan.

Je me suis aperçu que notre planète est fragile. Un voile atmosphérique dramatiquement mince autour de la Terre est tout ce qui nous protège de l’immense vide intersidéral, du rayonnement solaire et des températures extrêmes.

Au‑delà de l’horizon, rien qu’un abîme noir… Nous sommes seuls sur des centaines de millions de kilomètres. Dans notre système solaire, la Terre est une oasis de vie solitaire.

Revenu de l’espace, j’étais devenu un environnementaliste avec une vision planétaire. Chaque être humain profiterait de cette perspective orbitale de la Terre. D’avoir eu ce portrait global a renforcé mon sentiment d’humilité et mon sens d’intendance à l’égard de la planète.

La deuxième leçon de l’espace a trait aux interrelations. L’environnement en dehors du vaisseau spatial est étranger à tout ce qui existe sur la Terre. En conséquence, les systèmes techniques à l’intérieur du vaisseau qui sont nécessaires à la survie des astronautes sont complexes.

Pour comprendre et gérer cette complexité technique, j’aime voir un vaisseau spatial comme une collection de systèmes interreliés. La conception de la Station spatiale internationale, par exemple, englobe le contrôle thermique, l’électricité, l’équipement de survie, la navigation, le système des communications et la robotique.

Le mois dernier, une valve de contrôle de débit d’une pompe est tombée en panne à bord de la Station spatiale internationale. L’arrêt de fonctionnement de cette seule valve a fait perdre la moitié de la capacité de refroidissement externe de la Station. Le courant électrique a dû être détourné et géré prudemment. La recherche scientifique a été réduite, car seules les charges électriques prioritaires pouvaient être maintenues. Le lancement d’un vaisseau de transport vers la Station a été reporté. Deux sorties dans l’espace risquées ont eu lieu au cours de la période des fêtes en décembre pour corriger le problème. Tout cela à cause d’une valve défectueuse.

Ce que je veux faire ressortir, c’est que chaque système d’un vaisseau spatial est interrelié et interagit avec plusieurs autres. Aucun système ne fonctionne indépendamment. Un petit problème dans un système peut être lourd de conséquences pour toute la Station.

La vie sur Terre reproduit la vie dans l’espace. Ayant séjourné dans l’espace, je vois maintenant un monde d’interrelations et d’interdépendances. Les écosystèmes sont partout – naturels, techniques, économiques, sociaux et culturels. Aucun système ne fonctionne seul. Un problème quelque part dans le monde a souvent des répercussions sur toute la société planétaire.

Songez par exemple à l’écosystème de la Terre. Notre écosystème naturel repose sur des interactions fines entre le sol, les océans, l’atmosphère, le cycle de l’eau douce, la flore et la faune. Cet écosystème est bien plus complexe que l’équipement de survie de n’importe quel vaisseau spatial. La modification d’une partie de l’écosystème peut avoir des conséquences de l’autre côté de la planète. La déforestation en Amazonie a des effets sur l’atmosphère de la planète entière. Les émissions radioactives d’un rédacteur nucléaire défectueux touchent des collectivités à l’autre bout du monde. L’écosystème de la Terre est compliqué et interrelié.

Pensez au corps humain. La défaillance des cellules bêta du pancréas expose le patient à de graves maladies affectant le cœur et les vaisseaux sanguins, les yeux, les reins, les nerfs et les dents. Tout cela parce qu’un groupe de cellules ne produit plus d’insuline.

Le monde de la finance représente un autre écosystème. Il est caractérisé par des relations complexes entre les banquiers, les consommateurs, les autorités réglementaires, les acctionnaires  et les gouvernements. L’effondrement de Lehman Brothers en 2008 a déclenché une cascade d’événements qui sont venus bien près de détruire le système financier mondial.

Tout est relié, et nous faisons partie du tout.

Pourquoi est‑ce que je parle de la situation globale et des interrelations? Qu’est‑ce que tout cela signifie pour les nouveaux diplômés de l’Université de l’Île de Vancouver? Au début de vos nouvelles carrières, vous ferez bien de vous concentrer sur les responsabilités de vos nouveaux emplois. Visez l’excellence dans tout ce que vous faites.

Néanmoins, aussi accaparantes que seront ces carrières, prenez le temps de réfléchir à la situation globale. Continuez de lire et d’étudier. Restez en contact avec vos professeurs. Regardez dans un microscope, regardez dans un télescope, rendez‑vous au sommet d’une montagne. Réservez‑vous régulièrement du temps pour être seuls avec vos pensées.Soyez conscients des écosystèmes qui vous entourent, et de vos relations à l’intérieur de ceux‑ci, des relations :

  • entre vos fonctions professionnelles individuelles et le plan d’ensemble
  • entre le présent et le futur
  • entre le court terme et le long terme
  • et même entre la raison et l’esprit.

La nation Nuu-chah-nulth voit un rapport holistique entre les mondes physique et spirituel. Le chancelier Atleo m’a dit : « Bob, nous devons rapprocher le cœur et la raison ».

Je suis en faveur des vols spatiaux habités parce qu’ils nous fournissent l’occasion de réfléchir attentivement à notre planète. Ils nous aident à apprécier l’écosystème naturel et la responsabilité de l’humanité de le soutenir.

J’appuie l’Université de l’Île de Vancouver. Votre université voit les relations entre les besoins économiques, sociaux, éducationnels, environnementaux et culturels des communautés qu’elle dessert et l’enseignement qu’elle dispense.

Nous avons désespérément besoin de vos nouvelles compétences, mais nous avons également besoin de jeunes leaders qui comprennent la situation globale.

Nous ne travaillons pas en vase clos. En considérant les impacts des rôles professionnels sur les communautés locales et mondiales, la société pourrait même prévoir et résoudre les problèmes avant qu’ils ne se posent, plutôt que de réagir aux crises quand il est peut‑être trop tard. Ne serait‑ce pas là le plus merveilleux des mondes?

Merci de m’avoir invité à être des vôtres aujourd’hui. Je vous suis reconnaissant de l’honneur que vous me faites. Je vois un formidable potentiel dans la salle. Il y a quelque chose d’inspirant dans le talent administratif, scientifique, technologique, commercial et technique qui est sur le point de se manifester. L’impact de vos connaissances et compétences nouvellement acquises profitera à vos employeurs et aux milieux où vous œuvrerez.

Hishuk  ish  tsawalk. Tout est relié, et nous faisons partie du tout.

Félicitations pour un travail bien fait. Bonne chance.

Un moment de fierté pour moi – le recteur Ralph Nilson (à gauche) et le chancelier Shawn Atleo (à droite) me remettent un diplôme honoraire de l’Université de l’Île de Vancouver

 

 

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